04/01/2010
Bain sacré dans le Gange
Extrait d'un travail réalisé pour une marque de parfum... Inspiration : l'eau et les fleuves du monde
Pour les 800 millions d’Hindous vivant en Inde, le Gange est le fleuve sacré aux eaux purificatrices, celui qui lave les péchés de celui qui vient chercher dans ses eaux la paix de l’après, le fleuve par lequel tout commence et dans lequel tout doit finir. Principe de vie et de mort, il est la déesse Gangâ, dispensatrice de vie, descendue du ciel pour sauver l'humanité. Prières murmurées à l'aube et au couchant, face au soleil, certains restent des heures immergés jusqu'à la taille, les mains jointes, une étoffe sur la tête pour s'y isoler du monde: le fleuve est un temple. Sous ces rituels que chacun égrène à sa manière, une conviction instinctive commune à tous: le Gange transforme ceux qui viennent à lui.
« Des hommes et des femmes finissent leurs ablutions, les saris trempés se mêlent aux parfums de peau. Des femmes lavent. Des habits deviennent propres et se font battre sous la lumière. Des milliards de particules infusent dans l’air moite, chaud, qui consacre leur union. A des kilomètres, le fleuve se jette dans la mer. En laissant à sa traîne, sur ses rives en pierre, les rituels odorants. Les parfums du fleuve se livrent alors aux poissons séchés, grillés, aux embruns et vagues qui décapitent les restes d’odeurs terrestres. »
PARFUMS DE L’INDE, Véronique Durruty et Patrick Guedj
Matières à parfum :
LE JASMIN : Au pays des maharadjas, les meilleures qualités de cette fleur étaient autrefois réservées aux offrandes en l’honneur des dieux. Le dieu hindou de l’amour charnel, Kâma, cache d’ailleurs dans son carquois une flèche de fleur de jasmin grâce à laquelle il peut faire succomber ses victimes au vertige de l’amour. D'un blanc pur, ses pétales forment une étoile qui dégage, la nuit, un parfum suave qui s’estompe avec le jour. Comme un diamant taillé, le jasmin possède plusieurs facettes, tour à tour envoûtantes et radieuses.
LE SANTAL : Ce bois couramment utilisé lors des cérémonies et rituels. Il fait partie de la recette des pâtes d'embaumement utilisées dans les temples dédiés à la divinité Shiva. Une grande majorité d'hindous portent sur le front une marque faite avec cette pâte, supposée garder le troisième œil au frais. Ses senteurs riches et lactées sont considérées capables de transformer les désirs et de conserver l'attention d'une personne s'exerçant à la méditation. Le bois de santal est également très présent en médecine ayurvédique.
Fleuve eau-dorant :
Une goutte de parfum comme un concentré de nature, de la source au delta, qui renferme toute la richesse des eaux précieuses du Gange. Les offrandes de fleurs contrastent avec l’amertume vivifiante des écorces d’agrumes. La chaleur veloutée du jasmin et la délicatesse de la rose s’évaporent dans la tiédeur du vent qui balaye les prières. Une harmonie de bois précieux rappelle les liens sacrés que les hommes entretiennent avec le fleuve tandis que les muscs enveloppent les peaux comme un sari protecteur.
20:46 Publié dans Le nez | Commentaires (0)
26/12/2009
Fatale attraction
Changer de parfum, c’est un peu changer de peau… en pleine mue personnelle j’ai donc décidé de partir en quête d’une nouvelle carte de visite odorante et c’est pleine d'espoir et d'excitation que je suis allée flairer le dernier né de Prada : L'eau Ambrée.
Si l’on évoque Prada auprès d’individus qui ne connaissent pas les parfums de la marque, le rejet est quasi immédiat. Encore une marque de fashion victime qui s’aventure sur le terrain de la parfumerie pour faire du fric à grand coup de renforts médiatiques. Alors me voilà en route pour défendre les créations olfactives de l’italien. En quelques lancements, Prada a réussi à imposer une signature commune. Tout d’abord, les créations s’articulent autour d’ingrédients fétiches, l’ambre et le patchouli (deux de mes matières premières préférées avec le vétiver), que l’on retrouve dans Prada Eau de Parfum, Prada Intense, Prada Eau Tendre et Prada Amber Pour Homme. Ensuite, elles offrent un équilibre savamment orchestré entre les vertus de la synthèse et la beauté des matières premières naturelles. Il se dégage ainsi une impression riche et sensuelle, accompagnée de vibrations modernes et sans chichi. Dépouillement, finesse et subtilité… J’ai toujours apprécié les écritures directes, lorsque le message délivré ne se perd pas en discours inutiles mais où chaque mot a un sens profond. Me vient en tête, un autre parfum que j’ai longtemps porté : Voleur de roses de L’artisan Parfumeur.
Amatrice d'ambre, j’ai tout de suite adhéré à cette nouvelle composition qui offre un contraste maîtrisé entre une envolée fraîche et un fond sensuel très chic et enveloppant.
Première bonne surprise, l’eau ambrée a une filiation évidente avec les deux belles Infusions qui l'ont précédée (Infusion d’iris et Infusion de fleur d’oranger, également signées par Daniela Andrier). Elle présente la même intention moderne et limpide tandis que l’accord ambré n’est pas travaillé dans son versant oriental et baroque mais bien dans la facette poudrée et saline de l’ambre gris, légèrement animale. Un ambre qui nous conte son voyage à travers les flots marins avant de s’échouer sur les rivages.
En entrée, les agrumes virevoltent et quelque chose de plus profond me chatouille déjà mes narines, comme une bergamote de thé earl grey dont l’écorce serait noyée dans un lit de fleurs délicates. S’impose également une perception ‘matière’ immédiate, comme un daim souple fraîchement brossé. Les fleurs ne sont qu’un liant entre le départ acidulé et le fond sensuel. L’impression globale est une chaleur boisée qui prend judicieusement le dessus sur la vanille, traitée sans ses excès sucrés. Enfin, comme un parfait résumé des sensations préalablement ressenties, l’opoponax dévoile ses facettes citronnées, dépourvues d’acidité, s’épanouissant par la suite dans une douceur subtile, résolument balsamique et ambrée, résineuse et terreuse comme le vétiver et légèrement cuirée.
Ce parfum se joue de moi. Parfois, j’oublie que je le porte tellement il se niche, s’agrippe à ma peau et se développe à mon insu avec grâce. Mais lorsqu’une bouffée chatouille mes narines, je ressens un apaisement, comme si ses ondulations olfactives venaient à temps régulier me rappeler que ce parfum là est le meilleur allié de ma féminité. Il me colle à la peau ou plutôt, il est une seconde peau, veloutée, subtile et envoutante qui s’impose en toute discrétion presque malgré moi.
Je partage la conclusion que d’autres aficionados ont émise avant moi : ce parfum est "une grâce dynamique, le fruit d’une méditation raffinée"… Des nuances grises de crépuscule échappées des lignes épaisses de son écrin. Un gris profond qui s'oppose à l’or étincelant de la plaque de métal où sont gravés le nom des ingrédients. Un gris chatoyant, comme une fourrure portée à même la peau. Un gris contrasté comme un corps nu fraîchement savonné qui se glisse sous la chaleur accueillante d’une couette de plumes d’oie.
Lorsque mon homme me dit « ah, ton parfum… », j’aime les points de suspension et l’expression rêveuse de ses yeux.
10:57 Publié dans Le nez | Commentaires (0) | Tags : eau ambrée, prada, parfum