07/01/2010
L'homme à la tête de chou
Figure mythique et intemporelle, Gainsbourg et Gainsbarre ne laissent pas indifférent. Il est la main d’un artiste peintre, d’un poète maudit, d’un pianiste talentueux, d’un père amoureux… mais aussi le scandale et la provocation qui s’attaquent à tous les tabous
L’idée d’un film retraçant sa vie me laissait perplexe. Comment réinventer ce que nous savons déjà ? Comment redonner un nouveau souffle à des mélodies fredonnées à l’excès ? Pourquoi prendre le risque de démystifier ce génie indéniable ? Joan Sfar, s’écartant de son univers de bande dessinée, s’est pourtant lancé dans l’aventure, écoutant le Jiminy Cricket que Jane Birkin lui a fait pousser dans un coin de sa tête : « Tout ce que tu pourras inventer sera forcément moins bien que les choses que nous avons vraiment vécues, alors autant faire un conte de fées ». C’est ainsi que le générique nous invite à voir « un conte de Joan Sfar ».
Le réalisateur choisit de nous montrer ‘son’ Gainsbourg, « ça n’est pas un film fait POUR les fans, c’est un film réalisé PAR un fan ». Et c’est sans doute là que la magie opère… le film est une partie de jeu, rien n’est documentaire ou biographie, sosie ou plagiat, mais tout semble si vrai. Le jeu d’acteur est époustouflant, les playbacks tirés à quatre épingles, les musiciens nous embarquent… Eric Elmosnino échappe à la ressemblance légumière pour être simplement là, évident, dans la justesse, Laetitia Casta nous délivre une Bardot torride et Anna Mouglalis habite la profondeur de Juliette Gréco, toutes deux irrésistibles, Yolande Moreau se glisse dans la carcasse de Frehel, Philippe Katerine dans le costume de Vian. Je passe sur Lucy Gordon en Jane Birkin qui m'a trop rappelé une certaine Carla....
Ce film est une fable mélodique, poétique, amoureuse, un hommage kaléidoscope qui me donne envie de ressortir mes 33 tours, de me remettre au piano et d’allumer un clope. Gainsbourg est une légende, réelle ou fantasmée, peu importe…
16:00 Publié dans Les yeux | Commentaires (0) | Tags : gainsbourg, gainsbarre, joan sfar
28/12/2009
Avatar
Dimanche 20 décembre, il fait 5 degrés en dessous de zéro. La perspective de passer presque 3 h au chaud d’une salle obscure aide à supporter le trajet accidenté de verglas pour se rendre jusqu’au Pathé de Vaise. Se sera donc AVATAR… comment ne pas avoir échappé au battage médiatique annonçant sa sortie et ne pas se laisser tenter par l’opportunité de voir du grand spectacle. Pourtant la bande-annonce m’avait laissée de glace et je ne suis pas cliente des blockbusters... mais quijesais a des arguments imbattables !
Petit résumé pour ceux qui auraient encore échappé à la déferlante Cameronienne :
Malgré sa paralysie, Jake Sully, un ancien marine est recruté pour se rendre sur Pandora, où de puissants groupes industriels exploitent un minerai rarissime destiné à résoudre la crise énergétique sur Terre. Parce que l’atmosphère de Pandora est toxique pour les humains, ceux-ci ont créé le Programme Avatar, qui permet à des pilotes humains de lier leur esprit à un corps biologique commandé à distance, capable de survivre dans cette atmosphère létale. Ces avatars sont des hybrides créés génétiquement en croisant l’ADN humain avec celui des Na’vi, les autochtones de Pandora. Jake est donc infiltré auprès des Na’vi, devenus un obstacle trop conséquent à l’exploitation du précieux minerai. Mais tout va changer lorsque Neytiri, une femme Na’vi, sauve la vie de Jake…
Le débat sur ce film porte sur deux aspects : le fond et la forme.
En trame de fond, James Cameron aborde de grands thèmes universels. Tout d’abord l’altérité. Je m’interroge déjà : devons-nous être forcément si différents pour prendre conscience de l’autre ? le vieux principe d’inversion des identifications où l’Alien devient « l’humain » doit-il être encore servi pour dénoncer la perfidie des hommes ? Ensuite, l’écologie mais là encore, suffit-il de montrer une nature luxuriante pour plaider la cause de la planète ? Enfin, la fable anti-impérialiste. Effectivement, le lien avec le génocide sur lequel s’est fondée la nation américaine, à savoir le massacre des indiens, saute aux yeux. A cela s’ajoute la démonstration d’une domination unilatérale sur le monde à travers des engins surpuissants ou des hélicoptères suréquipés (qui évoquent des scènes de films sur la guerre du Viet Nam)et la dénonciation des attentats du 11 septembre par la destruction de l’arbre sacré, tour de force idéologique du peuple Na’vi. Ca ne fait pas un peu cliché tout ça ??? Finalement, c’est un des coachs de ma salle de sport qui m’a fait prendre conscience d’une autre dimension : subir son corps ou être son corps, telle est une autre question soulevée par le film. Jake Sully, retrouvant l’usage de ses jambes, devient accro à son avatar, il va là où son cœur et son corps le portent, il fusionne avec la nature, ce paradis éblouissant de couleurs, où la flore est phosphorescente, les oiseaux majestueux, il rejoint les Na’vis qui vivent cette harmonie totale avec leur environnement grâce à leur peau bleue, leur 3 mètres de haut… Il prend conscience de lui comme « un tout » et trahit les humains pour rejoindre cette tribu primitive.
Le mérite technologique, les prouesses visuelles avaient précédé la sortie du film. Il est vrai que les créatures sont vivantes sans que l’imagination se force à y croire. James Cameron a réussi à transférer l’expression humaine sur des corps numériques grâce à la motion capture sans caméra et le résultat est saisissant. Ensuite, la 3D sert magnifiquement cet univers luxuriant et réveille nos yeux d’enfants. On se retrouve en compagnie d’Alice aux pays des merveilles, embarqués dans un lyrisme régénérant. Petit bémol, l’inconfort de lunettes un peu trop lourdes qui m’ont strié le nez d’une belle marque rouge et cette même 3D, qui ne réussit pas toujours à nous faire rentrer dans le cœur des choses. On reste parfois devant la vitre à contempler la danse d’un poisson, en ayant bien conscience qu’il a tout l’aquarium pour s’éclater mais que cette dimension là reste étrangère à nous. Ce qu’il manque à Avatar, c’est la rencontre entre l’intention (un scénario très très light) et la forme. L’émotion n’est pas au rendez-vous.
En conclusion, le film n’est pas un grand film pour moi tant l’histoire manque de relief et d’intérêt. Une sorte de déjà vu, un Pocahontas futuriste transposé dans l’espace. Mais on garde longtemps en tête des images féériques de corolles qui s’animent comme des corps de femme, de lianes qui veillent à éclairer le chemin, de mousses végétales dans lesquelles se lovent les amants… alors on réinvente son lit, le soir en s’endormant, plutôt que d’approuver le fait que James Cameron ait réinventé le cinéma.
17:46 Publié dans Les yeux | Commentaires (0) | Tags : avatar, james cameron, 3d
Dimanche à la Sucrière
Un dimanche à la Sucrière pour la Xème Biennale d’art contemporain… rien que la démarche ouvre le questionnement, et la perspective, une découverte alléchante. Sur quoi vais-je tomber ? Est-ce que ça va me passer 5 étages au-dessus de la tête ? L’ennui ? Le doute ? L’interrogation ? L’exaltation ? Allons voir…. c’est bien d’essayer de se sentir intelligent et de se questionner un dimanche. C’est sous les reflets du soleil sur la Saône que j’arrive pleine d’entrain.
Une soixantaine d'artistes et quatre thématiques autour du Spectacle du quotidien, des œuvres visant à montrer le lien entre les pratiques artistiques et la vie réelle. HOU HANRU, commissaire de la biennale explique sa réflexion en quelques questions : « Comment affronter l'actualité de la société de consommation, la mondialisation ? Comment, en dehors de ce qu'on voit tous les jours à la télévision, on fait de la réalité ? Il y a beaucoup de gens qui s'inventent leur propre réalité, qui s'inventent leur propre plaisir. C'est l'invention du quotidien ».
Le thème me plaît mais la mosaïque des supports utilisés font que l’œil arrive vite à saturation (installations sonores, projections vidéo en surnombre, peintures urbaines, photographies…). De surcroit, ils martèlent le même message : "c'est dans le quotidien que se produisent les choses (sous-entendu les œuvres) les plus incroyablement inventives, rejetant une soi-disant banalité, que les artistes auraient la capacité de transformer comme par magie". Sauf qu’en ce qui me concerne, je n’ai pas vu beaucoup d’inventivité, que rien de ce qui est proposé n’offre une vision qui dépasse l’argumentation et le constat. La magie n’a pas opéré!
Quand on en sort, on se laisse aller à la question récurrente qui conclue de telles expositions, on s’interroge sur ce qui constitue, en fait, une œuvre d'art. Comme à chaque fois, on se dit qu’après tout, n'importe qui peut se proclamer artiste, on peut aimer ou détester, comprendre ou se laisser surprendre… et on se sent libre, allégé de toute forme de culpabilité.
Je retrouve les berges de la Saône, arpentant le Port Rambaud à la nuit tombée, où les néons colorés donnent à ce vestige marchand des allures d’autre monde, sans bruit, sans circulation… La transformation, comme par magie, opère ici, où tout est en devenir malgré le poids de l’histoire, où la façade de la sucrière s’est faite œuvre d’art en arborant fièrement des dessins urbains d’un bleu turquoise et dont les silos s’annoncent par deux immenses inscriptions, «Gauche» et «Droite». Je fais le lien immédiat avec les Chair Event de Georges Brecht, association sans lien logique d’une chaise, d’un objet et d’une pancarte résumant un évènement sans rapport pioché dans le Guinness record, et que l’artiste justifie ainsi : « L'événement compte plus que la chaise ». Ici, l’écrin compte plus que les œuvres. Il me rappelle les bunkers échoués sur les plages de Malo Bray-Dunes, entre les docks et l’horizon.
14:22 Publié dans Les yeux | Commentaires (0) | Tags : sucrière, biennale, art, lyon, port rambaud