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17/01/2010

Apprendre à finir

48609_2786341.jpgParce que la vie nous amène tous, un jour, à être confrontés à cette difficulté de « passer à autre chose », j’ai relu il y a quelques semaines ce livre de Laurent Mauvignier, avec l’espoir de trouver un horizon à travers son titre prometteur et 'éducatif' même si je savais qu'il nous emmène sur un autre chemin, celui du renoncement, parce qu’aucune règle, aucune leçon, ne prépare à cette issue fatale. « On ne sait pas ce que ça a de force, tout ce qui fait mal »

Le roman de Laurent Mauvignier est entièrement constitué par le monologue intérieur d'une femme, dont le mari rentre de l'hôpital après un grave accident. II va être immobilisé au foyer et sa femme va prendre soin de lui de manière inconditionnelle. Son dévouement et sa douceur sont censés prouver la force de son amour mais ils vont surtout lui permettent de masquer la perspective de sa souffrance à venir. En effet, l’accompagnement à la convalescence ne constituera pas un répit mais un révélateur du processus de désagrégation du couple, annoncé avant l'accident par l’infidélité du mari. “ On ne sait pas avec qui on vit ”.

Ce serait le vide sans lui... alors, elle préfère taire sa douleur, étouffer son humiliation, oublier le dégoût. Quand l'espoir n'est plus, on pourrait croire que ne subsistent que la rancœur et la haine. Mais non, au-delà de la souffrance, elle reste avec l’amour de et pour cet homme. Ce respect pour cet indicible, ce qui la dépasse et qui lui échappe. Quelque chose qui a été et n’est plus mais qui restera. « J'avais cette boulimie qu'on a, à vouloir tout donner parce qu'on se dit ce ne sera jamais assez à côté de ce qu'on a reçu ».

Ce livre est celui d’une femme digne et amoureuse, fragile et rageuse. L’auteur nous embarque dans le souffle de ses peines grâce à une écriture fleuve, ponctuée, rythmée…, où les mots les plus simples deviennent chair et empruntent aux entrailles leur profondeur.

Ce livre restitue toute la schizophrénie qu'implique la douleur de toute rupture, quand on veut encore ce que l'autre ne peut ou ne veut plus. Essayer de vivre avec ce déchirement mais vouloir encore et toujours comprendre, énoncer les responsabilités, colorer d’un peu de raison le tableau noir des sentiments perdus, s'expliquer et expliquer... parce que ne pas savoir, c’est comme perdre l’usage de la parole et ne plus parler, c'est devenir fou. C'est l'esprit qui hurle alors on habille sa douleur de mots qui ne font que la ressasser. La séparation est une autre forme de deuil, à la fois plus douce puisque l'être aimé est vivant mais parfois plus cruelle puisqu’il est encore là… et dont on se libère (parfois) avec le temps.

Comme s'il regardait ça sans y être. Qu'il voyait tout ça de loin parce que pour lui c'était fini et que ça ne l'intéressait pas, ou plus, ou vaguement, de loin, en retrait, presque avec étonnement des fois, alors que j'aurais tout donné, tout fait, tout vendu, tout dit, tout, pour qu'un moment je puisse comprendre un petit peu, presque rien, juste pour avoir dans la main des miettes de ce qu'il ne disait pas, pour l'aider, pour qu'il ne soit pas seul à ressasser tout ça, à chercher à savoir pourquoi ou comment on en est arrivé là, à essayer de continuer quand même...

16:00 Publié dans Les yeux | Commentaires (0) | Tags : laurent mauvignier

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